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CLUB MONARCHIQUE

« A Tissue de la séance d’hier M. de Clermont-Tonnerre est sorti par la petite porte qui donne sur la terrasse des Feuillans. Une femme lui a dit : « Cela est-il fini ? » Il a répondu : « Oui, madame. » Elle lui a dit : « Qu’a-t-on décidé ? » Il a répondu : « Qu’Avignon ne seroit pas réuni à la France. » Et il a continué son chemin sans ajouter un seul mot, ni faire un seul geste. Un homme vêtu d’une redingotte nationale, que j’ai entendu nommer Saturnin, a dit : « C’est lui qui a fait le décret, c’est un scélérat, un gueux, etc., etc., il faut le pendre... » Le même cri a été répété par plusieurs autres. M, de Clermont n’a rien répondu, ne s’est pas même retourné, et a continué son chemin sans doubler le pas. Les cris ont augmenté, on disoit : « A la lanterne, pendez-le, au bassin, au chat, etc., etc. » Mais la contenance de M. de Clermont-Tonnerre étoit tellement tranquille, il paroissoit même si étranger à ce qui se passoit, que les grouppes qui se formulent de part et d’autre auprès de lui se demandoient les uns aux autres : « Où est-il ? Montrez-nous le donc ? etc. » Il étoit auprès d’eux.

« Il n’y avoit que huit ou dix personnes qui voulussent échauffer le grouppe, et notamment une vieille femme et l’homme en redingotte bleue. Enfin la masse entière s’est ébranlée ; on a saisi des chaises ; d’autres étoient armés de bâtons ; tous ont couru sur M. de Clermont-Tonnerre ; il n’a eu que le temps d’entrer chez le suisse qui est à la porte de la cour du Manège.

« Un officier de la garde nationale et trois ou quatre autres personnes l’ont aidé à sortir de chez le suisse et l’ont conduit, à l’aide de six cavaliers de la garde nationale, jusqu’à un fiacre qui passoit dans la rue de l’Échelle. M. de Clermont y est monté au milieu d’une foule très considérable, de laquelle partoit {sic) beaucoup de cris de lanterne et des menaces de tous les genres. L’officier de la garde nationale et un autre garde national en uniforme que je ne connois pas, sont montés dans le fiacre ; les six cavaliers l’ont escortés (sic) jusqu’à la rue des Vieilles-Tuileries. La foule a suivi le fiacre et s’est grossie pendant la route ; une demi-heure après, elle a brisé la porte de sa maison, s’est précipitée dans l’avenue ; plusieurs femmes portoient des cordes ; les six cavaliers qui étoient dans la cour ont à eux seuls fait rétrograder toute la foule, et ont constamment défendu la porj^. Pendant tout l’après-midi la maison a été environnée d’hommes attrouppés ; les renforts de gardes, qui sont successivement arrivés, ont eu la contenance la plus ferme et ont évité tout désordre. M. de La Fayette a pris toutes les précautions possibles ; M. le Maire s’est porté au lieu de l’attroupement. Tous les témoins de cette scène, tous