Page:A. Challamel.- Les Clubs contre-révolutionnaires.djvu/581

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est vrai que les membres de la minorité du Tribunat se répandaient, chez madame de Staël, en bons mots et en épigrammes, et que dans son salon on voyait, entre autres émigrés de retour, Mathieu de Montmorency, le duc Adrien de Laval, le comte Louis de Narbonne, le chevalier de Boufflers et le comte de Sabran. Madame de Staël, d’abord retirée à Saint-Brice, près d’Écouen, chez madame Récamier, ne tarda pas à se rendre à Weimar, où elle fit la connaissance de Gœthe, de Wieland et de Schiller. Bonaparte ne pouvait supporter cette « pie séditieuse ». Devenu empereur, il eut encore plus de haine, si c’était possible, contre madame de Staël. Le 31 décembre 180G, il écrivait à Fouché, ministre de la police générale : « Ne laissez pas approcher de Paris cette coquine de madame de Staël. Je sais qu’elle n’en est pas éloignée (1). » On a remarqué que, en 1814, le duc de Wellington parut un instant dans son salon.

D’autres femmes éprouvèrent les rigueurs du premier consul, à cause des menées sourdes qu’elles entretenaient contré lui. En 1802, madame de Champcenetz et madame de Damas furent exilées, celle-ci hors du territoire français, celle-là en Batavie. Dans le salon de la princesse de Vaudemont, née Montmorency, on recevait des gens de tous les partis, outre Fouché, Talleyrand et La Valette ; on y voyait des royalistes intransigeants, aspirant à renverser Bonaparte, ou du moins à fronder ses actes. Sous le Consulat, les salons de La Harpe (2) faisaient la guerre à Bonaparte, qui l’accusait de « nourrir et entretenir chez lui le caquetage de quelques coteries (3). » La violence de ses déclamations contre la Révolution l’avait fait proscrire au 13 vendémiaire et au 18 fructidor.

Or, le nouveau maître ne voulait ni « bavards », ni « brouillons », ni « idéologues ». Encore moins tolérait-il les royalistes non ralliés. Aux premiers jours du Consulat, circulaient à Paris plus de 0,000 émigrés... « Il existe bien un comité royal dirigé, dit-on, par l’abbé de Montesquiou, mais il est comme invisible (4). » L’abbé de Montesquiou avait été jugé par Mirabeau de la manière suivante : « Méfiez-vous de lui, ce petit serpent vous séduira ! » Sous (1) Lettre publiée par la Nouvelle Revue, et communiquée par M. de Brotonne (février 1894).

(2 ; La Harpe demeurait rue Montmartre en 1777. Delille le surnomma «le chien hargneux ».

(■’{) Mémoires inédits du comte de Montalembert, (4) Correspondance, t. VII, p. 398,