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IX
INTRODUCTION.

devait avoir un tout autre résultat. — Ceux-ci étaient nombreux et puissants : ils s’appuyaient sur la science de leur époque ; ils en appelaient à quelques faits d’observation facile, et propres à frapper les esprits. Aussi tout ce qui se piquait de philosophie admit-il bientôt que le nègre et le blanc, le Lapon et le Hottentot, constituaient autant d’espèces différentes.

La doctrine de l’unité ne manqua pourtant pas de défenseurs. D’un côté, les champions de la religion attaquée par les encyclopédistes ne pouvaient abandonner une croyance regardée par eux comme fondamentale ; de l’autre, la plupart des naturalistes, Linné et Buffon à leur tête, se prononcèrent nettement dans le sens de l’unité. Le dernier surtout n’hésita pas à voir dans les caractères différentiels qui distinguent les groupes humains de simples modifications d’un type spécifique unique. — Ce témoignage doit avoir ici d’autant plus de valeur, que Buffon avait étudié avec une remarquable supériorité les questions relatives à l’espèce en général, et qu’on ne saurait regarder son jugement sur ce cas spécial comme influencé par des préjugés dogmatiques.

À vrai dire, c’est de cette époque que datent les deux écoles anthropologiques qu’on a distinguées par les épithètes récentes de monogéniste et de polygèniste. Les circonstances au milieu desquelles ces deux écoles prirent naissance expliquent en grande partie le caractère qu’elles revêtirent au début, et qu’elles ont trop longtemps conservé. — De nos jours encore, défendre ou attaquer l’unité de l’espèce humaine est pour un certain nombre d’écrivains, pour la majorité des lecteurs, faire une sorte de profession