Page:A la plus belle.djvu/106

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Néanmoins, le caractère que la renommée prétait à Louis de France offrait si peu de garantie ! En outre, cet Olivier le Dain passait pour un si parfait coquin !

Au demeurant, Jeannin se déliait trop de lui-même pour vouloir ou ne pas vouloir. Il se promenait à grands pas dans la salle, et Pierre Gillot le suivait d’un regard sournois sans plus mot dire.

Il y eut une chose étrange, pendant que Jeannin se promenait.

Chaque fois, qu’il passait devant la croisée, une voix mystérieuse, qui semblait parler au fond même de sa pensée, prononçait ces trois mots

— « C’est le roi !… c’est le roi ! »

Jeannin &e demandait à lui-même s’il devenait fou.

Il ne savait pas que Fier-à-Bras était dans le buffet, où ce nain spirituel et friand achevait avec plaisir son pot de son conserves.

— C’est le roi ! c’est le roi ! disait-il après chaque bouchée.

Jeannin fut longtemps avant de saisir le sens de cette phrase si claire.

Pierre Gillot, lui, était toujours assis à l’autre bout de la chambre et n’entendait pas.

Jeannin s’ennuyait fort du combat engagé au-dedans de lui-même, combat sans résultat possible.

— Or ça, s’écria-t-il tout-à-coup, pourquoi me parles-tu de me faire chevalier, l’homme ! Puisque tu me proposes un prix si élevé, c’est donc que l’action est méchante ? J’ai envie de mettre la main sur toi et de t’envoyer à M. le sénéchal.

— C’est une idée, cela ! pensa le nain.

Jeannin s’était arrêté brusquement devant Pierre Gillot. Il avait les sourcils froncés et les bras croisés sur sa poitrine. Le bonhomme de Tours en Tourraine n’était pas Olivier le Dain, car Olivier le Dain fût mort de peur sur le coup.

Il eut un petit tressaillement tôt réprimé. Sa main se glissa sous le revers de son pourpoint. Jeannin pensa qu’il en allait tirer une dague et mit la main sur la poignuée de la sienne.