Page:A la plus belle.djvu/137

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présents mystérieux sont destinés à la plus belle que je me les attribue, c’est parce que…

Elle hésita et jeta un regard furtif sur Jeannine qui était très pâle.

— Mais tu as peut-être, toi aussi, des raisons, dit-elle en baissant la voix, pour croire qu’ils te sont adressés ?

— C’est vrai, dit Jeannine.

Et cela fut prononcé vivement, comme si elle eût été bien aise de faire un aveu à son tour.

Elle songeait. Elle songeait a ce hasard étrange qui la mettait deux fois en face de Berthe et qui la faisait deux fois sa rivale.

Et combien de bon cœur elle lui cédait le bénéfice de cette seconde rivalité !

Quant à l’autre, pauvre Jeannine ! Ne vous suffit-il pas qu’elle ait perdu son gai sourire ?

Aubry ! Aubry ! Depuis quinze jours, ce nom était sur sa lèvre et dans sa pensée. Mais elle ne mentait pas quand elle disait à Berthe « Non, mademoiselle, je ne suis pas votre rivale. »

Elle ne mentait pas, car on ne pèche que par la volonté. Or, la pauvre Jeannine s’était enfuie du manoir du Roz précisément pour n’être pas la rivale de la fille de Maurever.

Elle aimait, c’est vrai ; mais elle combattait vaillamment contre son cœur.

Berthe se trompait, Jeannine était son amie plus que jamais. Seulement, Jeannine ne pouvait plus se livrer aux joyeuses caresses qui égayent les entretiens des jeunes filles. Elle se sentait condamnée depuis le jour où elle avait quitté le Roz. Elle n’espérait plus.

Et la recherche obstinée d’Aubry lui faisait peur.

— Ah ! reprit Berthe intriguée, tu as des raisons de penser cela ? Quelles raisons ?

Au lieu de répondre, Jeannine tira de son sein un petit médaillon d’or guilloché où ces mêmes mots, répétés déjà tant de fois à la plus belle se trouvaient gravés au poinçon.

Berthe laissa échapper un mouvement de surprise.