Page:A la plus belle.djvu/166

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On entrait au son du tambour et de la crécelle, pour voir un autre lapin qui jouait de la clarinette et d’autres serpents de carton.

Plus loin, un poète chantait les miracles de Merlin.

Plus loin encore, un joueur de harpe disait la mystérieuse et charmante histoire du lac de Landelorn, où la fée Mor-Gane livrait ses trésors à tout venant, depuis le premier jusqu’au dernier coup de midi.

Mais il faut bien que partout il y ait un succès qui dépasse tous les autres succès, une chose en vogue ! La chose en vogue à l’assemblée de Pontorson, c’était l’Ogre des Îles, l’Homme de Fer.

Une baraque neuve était là avec un tableau tout brillant qui n’avait encore souffert ni du soleil ni de la pluie et qui portait pour légende l’Ogre des Îles dans son palais ténébreux.

On y voyait le comte Otto, nu jusqu’à la ceinture et pourvu d’une barbe bleue gigantesque. Ce méchant homme tenait un enfant dans chaque main. L’artiste n’avait laissé qu’une jambe à l’enfant de la main droite. L’autre jambe était déjà dans l’estomac de l’Ogre.

Les dents du comte Otto étaient longues et crochues. Il avait des griffes au bout des doigts. À travers sa poitrine ouverte, on voyait son cœur, où le diable était assis commodément.

Le comte Otto marchait sur un sol jonché d’or et de perles. Derrière lui, une troupe de nymphes exécutait des danses antiques. À gauche, une cage de fer contenait les malheureux petits enfants qu’on engraissait pour les hideux repas du monstre.

Autour de ce tableau, une foule immense et impatiente se massait. Il y avait trois grandes heures qu’elle était là, cette foule, grossie incessamment par de nouvelles recrues. Ceux qui arrivaient essayaient d’approcher et poussaient ; ceux qui tenaient la place contre-poussaient pour défendre leur position acquise. Chose étrange et qui ne contribuait pas peu à aiguillonner la curiosité générale, depuis le matin ce radieux tableau étalait au soleil ses promesses et ses menaces sans qu’aucun