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I


LA QUINTAINE


L’homme d’armes et son élève avaient déjà fait nombre de passes, car les cheveux de l’adolescent étaient baignés de sueur.

— Allons, messire Aubry, dit l’homme d’armes, voici madame Reine qui vous regarde ! N’avez-vous point de honte ? vous n’avez touché l’Anglais que deux fois… encore l’Anglais vous a-t-il appliqué deux bons coups de gaule !

Messire Aubry rougit un peu. Il envoya de la main un baiser tendre et respectueux à sa mère, qui lui souriait et qui était trop loin pour entendre ce que l’homme d’armes disait à voix basse.

Jeannine, la brunette, devint toute rose.

Je ne sais comment le baiser respectueux et tendre s’était divisé en chemin, mais Jeannine la brunette baissa vivement sa jolie tête sur sa broderie, comme si elle en eût reçu la moitié.

— Mon ami Jeannin, répliqua Aubry d’un ton presque aussi obéissant que s’il eût parlé à son père, quand vous aviez dix-huit ans, vous valiez déjà mieux que moi, j’en ferais la gageure ; mais vous ne portiez pas la lance comme aujourd’hui. J’ai idée, d’ailleurp, que si ce coquin était un Anglais de chair et d’os, je serais moins maladroit de beaucoup.

Ils revenaient au pas, côte à côte, pour prendre du champ. Jeannin, l’homme d’armes, se prit à rire.

— Quand j’avais dix-huit ans, messire Aubry, dit’il, je ne