Page:A la plus belle.djvu/27

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à qui appartenaient ces rudiments de traits n’avait pas de pipe. On n’avait encore inventé que la poudre.

Sa chevelure était la partie la plus importante de son individu. À cette chevelure il devait probablement ce sobriquet de l’Araignoire, qui s’ajoutait à son surnom de Fier-à-Bras.

Le mot araignoire ne se trouve point dans le dictionnaire de l’Académie. Il désigne la brosse hémisphérique et emmanchée de long, à l’aide de laquelle on détruit les toiles d’araignée. Fier-à-Bras était une araignoire emmanchée de court.

Le poil qui couvrait sa tête ronde était dru, roide, crépu, rouge comme du feu. Cette nuance ardente faisait ressortir la pâleur bouffie de sa face, qu’on aurait prise pour une ébauche mal réussie et jetée au rebut.

Et pourtant, sur cette pauvre face qui semblait être un oubli du Créateur ou une raillerie du hasard, il y avait de l’intelligence, bien plus, de la volonté. Dans quel trait résidait i’éclair latent qui donnait la lumière à ces difformités ? on ne savait. Mais la lumière était là.

La tête rouge de Fier-à-Bras s’agita comme si son torse, embarrassé dans la haie, eût fait effort pour en sortir. Ce torse devait être celui d’un géant, si on en jugeait d’après le volume de la tête chevelue. Mais Fier-à-Bras était véritablement un être fantastique. Sa tête, que nous avons montrée au ras de terre, se trouvait là dans sa position naturelle et normale. Fier-à-Bras était un nain de l’espèce la plus exiguë. Il n’avait que trois pieds de haut.

Son costume était celui d’un gentilhomme. Il portait les couleurs de Coëtquen, son seigneur, et un petit écusson, brodé sur son pourpoint, donnait ses propres armoiries, qui étaient d’or au dindon de gueules.

Comme on voit, Fier-à-Bras était dans les idées de Louis XI, roi de France. Il se moquait volontiers de la noblesse.

Et vraiment on le laissait faire, en ce pays de Bretagne, où la noblesse fut toujours si grande et si respectée. Pourquoi empêcher les nains de rire ?