Page:A la plus belle.djvu/39

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— Je vous prie de tenir votre croisée close le matin, ma fille… le soleil d’août est malfaisant.

— Il suffit, madame, répondit Jeannine.

— Non, ma fille, cela ne suffit pas à votre croisée close, vous voudrez bien attacher des rideaux et les tenir fermés.

— Je le ferai, madame.

— Oh ! oh ! se dit Marcou, messire Aubry ne courra plus si souvent la quintaine !

Aubry regardait Jeannin à la décobée pour voir s’il manifesterait de la surprise ou du mécontentement, mais Jeannin était à cent lieues de deviner les motifs de Mme  Reine en prononçant ces mots : « le soleil d’août est malfaisant ; » et l’idée des rideaux lui sembla une attention délicate.

D’ailleurs le bon Jeannin avait gagné grand appétit en courant la quintaine. Il mangeait sérieusement une honnête tranche de bœuf entrelardée, et ne cherchait point malice en ce qui se disait à l’entour.

— Je le connais, le soleil d’août ! s’écria le nain ; tout à l’heure je chevauchais sur les grevés, et le soleil d’août s’amusait à me gâter le teint.

— Tu chevauchais, toi, l’Araignoire ? interrompit Marcou.

— Pourquoi non, sire fainéant ?

— M’est avis que pour chevaucher il faut des jambes.

— Ou des pattes, maître fallot, puisque les singes et toi vous enfourchez la selle ! moi, il ne me faut ni jambes ni pattes ; Huguet l’homme d’armes, m’assied sur le pommeau de la selle, ou bien Catiolle, la maréyeuse, me met dans un des paniers de sa bourrique… Ah ! maître Marcou, voilà une bête encore plus paresseuse que toi, la bourrique de Catiolle !

Le page chercha en vain une réplique, fit la grimace et regarda son assiette. Chacun avait envie de rire, mais personne ne riait, à cause de la jolie Mme  Reine, qui faisait à elle seule un effet plus dolent que cinquante aunes de serge noire semée de larmes d’argent.

Fier-à-Bras, vainqueur, but rasade d’un air satisfait.

— Donc, noble dame, reprit-il, puisque votre page veut bien