le demande ! Le comte Otto jeta son épée et voulut s’élancer sur la chevrette. Le saint étendit la main pour la troisième fois. Otto recula en chancelant, comme si sa tête eût rebondi contre un mur de granit.
Il n’y avait pourtant rien, les gars et les filles, rien que la volonté du saint homme, qui était la volonté du Seigneur.
Le comte Otto voulut alors frapper l’ermite lui-même. Son bras retomba, inerte et paralysé, le long de sa hanche.
— Allons, dit-il, tu es plus avancé que moi dans la science
magique, vieillard ! Je te salue comme mon maître, et je te
fais hommage. Si tu veux venir avec moi, dans mon palais des
Îles, tu seras honoré, choyé, adoré ! Tu boiras les vins d’Italie
de Grèce et d’Espagne dans des coupes d’or. De belles jeunes
filles, blanches comme la fleur des lis ou dorées comme les
topazes du sceptre de Salomon qui dort au fond de la mer Persique,
dénoueront les cordons de tes sandales. À un signe de ta
main, cent hommes d’armes se lèveront. La musique d’Orient
bercera ton sommeil. Quand tes yeux s’ouvriront, ce sera pour
admirer la danse enchantée des filles de Ptolémaïs ou de Tyr…
Tu seras mon seigneur, si tu veux !
L’ermite lui répondit :
— Va-t’en !
Ec comme l’Homme de Fer insistait, énumérant les joies païennes de son palais des Îles, l’ermite lui dit encore :
— Tu perds ta peine, réprouvé ! J’ai mieux que cela : j’ai la croix de mon Seigneur Dieu !
Le comte Otto mit un genou en terre.
— Vieillard, dit-il, saint vieillard ! je confesse ma faiblesse devant toi… oublie mes menaces ; exauce ma prière : dis-moi quelles seront ma vie et ma mort.
Le bienheureux Enguerrand ferma ses paupières et se recueillit.
Pendant cela l’Homme de Fer restait à genoux sur la terre mouillée.
— Je le veux, répliqua enfin le saint ; je te dirai ta vie et ta mort…