Page:A la plus belle.djvu/82

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riait d’un air bien honnête, ce qui ne l’empêchait point de réfléchir.

— Vous devez être discret comme un saint de bois, mon bon frère, dit-il, cela se voit du reste et je n’hésite pas un seul instant à vous confier les destinées de la France.

Frère Bruno se redressa et prit l’attitude qui convient à un homme dont les oreilles vont entendre un oracle.

— Entre la Bretagne et l’Anglais, reprit Pierre Gillot, Dieu a mis la grande mer, entre la France et la Bretagne, Dieu n’a mis qu’un ruisseau : qui oserait prétendre que Dieu fait les choses à l’aveugle ou à la légère ? La Bretagne est à la France comme le fleuve est à l’Océan, comme le bras est au corps. Cela doit être ; cela sera !

— Mon compère, dit Bruno, vous m’avez ouï parler tout à l’heure de M. Hue de Maurever, seigneur du Roz, de l’Aumône et de Saint-Jean des Grèves ?

— Celui qui ajourna le duc François Ier au tribunal céleste ?

— Précisément. Si j’en reviens à lui, c’est que Jeannin, mon ami, était son serviteur, et que M. Hue songeait bien souvent à ce que vous dites.

— Il était de mon sentiment ? demanda Gillot avec vivacité.

— Comme le patient est de l’avis du bourreau qui lui crie : Il faut mourir ! Non, non, mon compère ! Celui-là était un Breton du vieux sang ! Mais ce que vous désirez, il le redoutait et cela me frappe. Vous plaît-il que je vous récite la manière de prophétie que M. Hue nous fit à son lit de mort ?

— Cela me plaît répondit Gillot sans hésiter.

Frère Bruno n’était point habitué à pareil empressement. Il se sentait véritablement grandir devant cet homme qui lui confiait des secrets d’État et qui ne demandait pas mieux que de l’écouter.

— C’était au manoir du Roz, reprit-il, là-bas, de l’autre côté de la mare Saint Coulman. Je me trouvais là pour une visite d’amitié que je faisais à la pauvre Simonnette Le Priol,