Page:Abadie - Paroisse Saint-Michel de Bordeaux. Restauration de la tour isolée, 1857.djvu/6

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Comme monument, elle est le phare qui, du plus loin, annonce la ville et en caractérise le plus l’aspect.

Supprimez la tour de Saint-Michel, et Bordeaux devient aussi méconnaissable de loin que la ville de Saint-Denis l’est devenue par la perte du clocher de sa cathédrale. Saint-Denis n’existe plus pour le voyageur, depuis que sa flèche a disparu. Le voyageur ne reconnaîtrait plus Bordeaux, si l’on supprimait la tour de Saint-Michel. Pour qui approche de Bordeaux, c’est l’édifice principal ; il domine tout, il attire à lui seul toute l’attention.

Quel effet saisissant, immense, devait produire cette tour isolée, lorsqu’elle possédait encore sa flèche terminée par une croix élevée à 320 pieds au-dessus du sol, et qui n’était guère dépassée en hauteur que par la flèche de Strasbourg !

Quel majestueux aspect elle présente encore, quand, vue de la rive droite de la Garonne, elle reflète son énorme masse dans les eaux de la rivière !

Mais ce reste magnifique, menacé d’une destruction qui s’accomplit lentement, doit infailliblement disparaître, victime d’un abandon traditionnel et déplorable.

Déjà son étage supérieur est une véritable ruine, sans lignes, sans formes, et plus semblable à un rocher percé à jour qu’à un monument destiné à l’embellissement d’une grande ville.

L’œuvre de sa restauration paraît si grande, qu’on ose à peine la concevoir. C’est un malade condamné depuis longtemps, et qu’on laisse mourir, parce qu’on ne croit plus utile ou possible de le soigner. Mais par suite de cette erreur funeste, il faudra avant peu détruire volontairement ce qui menacera de tomber. Puis avec le temps, la même cause subsistant, la même situation reviendra pour l’étage inférieur, qu’on détruira à son tour, et d’étage en étage, on enlèvera jusqu’à sa dernière voûte, aujourd’hui célèbre, en réservant toutefois avec soin les restes de sa base, que l’on conservera pour la plus grande beauté d’un jardin anglais, qui conso-