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Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/178

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repas. Tous les saupiquets du monde n’en approchent point. Un grand seigneur fatigué des mets les plus exquis n’est à sa somptueuse table que comme un Tantale dont les lèvres touchent l’eau sans qu’il puisse boire. Il n’y voit qu’avec dégoût tout ce qu’il y a de plus ragoûtant. La bonne chère lui fait soulever le cœur. Pourquoi cela ? C’est que, comme disent les philosophes fondés sur l’expérience, ab assuetis non fit passio. D’où vient que les dames titrées ont, parmi leurs bijoux, de grandes et de petites pierreries pour mettre les unes à tous les jours et les autres seulement dans leurs fêtes galantes et dans certaines cérémonies d’éclat ? C’est pour conserver à celles-ci tout le prix que la nature leur a donné en y ajoutant celui de l’usage qui les rend moins communes et plus précieuses. Qu’est-ce qui fit dire autrefois à ce fameux conquérant qui, mourant de soif comme il était en pleine marche à la tête de son armée dans les lieux brûlés où l’eau était rare, qu’il n’avait jamais trouvé tant de goût aux exquises liqueurs qui abondaient dans son palais qu’à l’eau trouble, bourbeuse et corrompue qu’il venait de boire à une mare toute puante, sinon le pressant besoin où il était de s’y rafraîchir ? N’est-ce pas la rareté de ce friand morceau que l’on nomme pucelage qui cause aux hommes tant d’ardeur et d’empressement pour nous ? Les verrions-nous ramper devant nous comme des serpents et nous adorer comme des déesses, si c’était une chose fort commune ? N’est-