Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/44

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pas réduire une fille si facilement. Outre que si un seul saint éclairait tous les aveugles, il n’y aurait plus de miracles à faire pour les autres, tu m’entends bien ? c’est-à-dire que si tu avais eu la foi, tu aurais été guérie, et que si ce sage directeur eût reconnu en toi quelques dispositions à suivre ses ordonnances, il t’aurait servi de médecin.

Agnès. — Je le crois, mais j’aime autant t’en avoir l’obligation qu’à lui-même. Apprends-moi, je te prie, quelque trait de la vie de ce bienheureux.

Angélique. — Je le veux, mon petit cœur, baise-moi donc et m’embrasse bien amoureusement auparavant. Ah ! ah ! voilà qui est bien ! Ah ! que je suis charmée de la beauté de ta bouche et de tes yeux ; un seul de tes baisers me transporte plus que je ne puis te l’exprimer.

Agnès. — Commence donc. Ah ! que tu es une grande baiseuse !

Angélique. — Je ne me lasse jamais de caresser ce que je trouve aimable. Puisque tu connais le Père de Raucourt, il n’est pas nécessaire que je te dise que c’est l’homme du monde le plus intrigant, le plus adroit et le plus spirituel qui se puisse trouver. Seulement je t’apprendrai qu’en fait d’amitié il est délicat au dernier point, et que, comme il croit valoir quelque chose, il faut avoir bien des qualités pour lui plaire. Entre toutes ses conquêtes, il n’en comptait point de plus glorieuse que celle qu’il avait faite d’une jeune reli-