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Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/88

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mortifient peuvent-ils passer pour des œuvres infructueuses ?

Angélique. — Ah ! mon enfant, que ces objections sont faibles ! Il faut que tu saches qu’il y a bien de la différence entre la licence et la liberté : dans mes actions je me tiens souvent sur la pente de celle-ci, mais je ne me laisse jamais tomber dans le désordre de celle-là. Si je ne donne point de bornes à ma joie et à mes plaisirs, c’est parce qu’ils sont innocents et qu’ils ne blessent jamais par leur excès les choses pour lesquelles je dois avoir de la vénération. Mais tu veux bien que je te dise ce que je pense de ces fous mélancoliques dont les manières te charment. Sais-tu que ce que tu appelles contemplation des choses divines n’est dans le fond qu’une lâche oisiveté, incapable de toute action ; que les mouvements de cette piété héroïque que tu fais éclater ne procèdent que du désordre d’une raison altérée, et que pour trouver la cause générale qui les fait se déchirer comme des désespérés, il faut la chercher dans les vapeurs d’une humeur noire ou dans la faiblesse de leur cerveau ?

Agnès. — Je prends tant de plaisir à entendre tes raisons, que je t’ai proposé tout exprès comme une difficulté ce qui ne faisait souffrir aucun doute ; mais j’entends la cloche qui nous appelle.

Angélique. — C’est pour aller au réfectoire. Après le dîner, nous pourrons continuer notre entretien.