Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
DOUZE ANS DE SÉJOUR

de quelque cavalier trop curieux. Une heure après, l’on trouve des hommes à cheveux blancs, accroupis en cercle : ce sont les Anciens qui délibèrent ou ressassent quelque affaire de la commune ; ou bien, à l’ombre d’un arbre, une assemblée d’hommes assis, écoutant les plaidoyers des parties debout : ou bien des prêtres, vêtus de toges et de turbans blancs, à la physionomie calme et prospère ; ou des laboureurs demi-nus, courbés sur la charrue et excitant leurs bœufs avec de longs fouets ; ou une file de sarcleuses agenouillées sur le sillon ; ou une caravane de trafiquants, haletants à la suite de leurs bêtes de somme ; ou une troupe de paysans armés et de paysannes se rendant à un marché lointain ; ou des femmes revenant de la source et pliant sous leurs amphores rebondies ; ou une compagnie de mendiants lépreux qui parcourent les provinces, chantant en chœur des complaintes, des pièces de poésie satiriques ; ou une nombreuse troupe clameuse de paysans bien armés, conduisant une nouvelle mariée au village de son époux ; ou quelque trouvère voyageant, la guzla sur l’épaule, le sabre au côté, toujours prêt à bavarder ou à chanter ses bouts-rimés ; ou quelque chef cheminant avec autorité, environné de ses fantassins et de ses cavaliers causant avec lui.

Avec tout ce monde, on échange des saluts, où se trouve toujours mêlé le nom du Créateur.

À en croire leurs annales, les Éthiopiens auraient vécu, dès la plus haute antiquité, sous le régime féodal, avec un Atsé ou Empereur pour suzerain suprême. Leurs traditions confirment cette donnée, mais elles mentionnent des séditions, des bouleversements et des interrègnes amenés par les fautes de