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Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/118

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DOUZE ANS DE SÉJOUR

miers et légitimes dépositaires de l’autorité, se groupent et se réunissent, sous la pression d’une nécessité devenue commune, il semble que quelques éléments de l’autorité qui est dans chacun d’eux s’en dégagent, s’agglomèrent et constituent comme une puissance qui n’attend plus désormais qu’une main pour la diriger au profit de tous. Alors il s’en trouve toujours un pour assumer insensiblement, et avant que ses concitoyens ne la lui confèrent, la prépondérance, puis l’autorité, et pour prendre enfin le pouvoir, soit en s’appuyant sur ses aptitudes supérieures ou sur des circonstances propices, soit en profitant simplement de cette propension qu’ont les hommes à se décharger sur autrui des soins qui incombent à la vie, surtout de ceux qui résultent de la vie commune. Ce pouvoir peut fonctionner longtemps sans être défini, et se constituer de plus en plus fortement par assises successives. Quelquefois il arrive aussi qu’une première opposition partielle le fasse mettre en question : il est discuté ; d’implicite qu’il était, il devient explicite et, dès qu’il a traversé une pareille épreuve, il est avoué, acclamé ou proclamé, et armé enfin ostensiblement de son droit.

Mais en déférant ainsi le pouvoir, ces premiers constituants, qu’ils soient ou non conscients du jour précis de l’investiture qu’ils donnent, n’entendent pas s’être dépouillés, au profit de leur élu, de toute l’autorité dont ils sont naturellement dépositaires, mais bien n’en avoir fait qu’une cession, qu’une délégation partielle, utile ou nécessaire, car le père de la plus petite famille sent qu’il est roi, lui aussi, et cela, d’institution divine ; et, à moins de corruption, il n’accepterait pas de se découronner de ses propres mains. On comprend, d’après ce qui