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DOUZE ANS DE SÉJOUR

vainement de les en empêcher. J’en référai au raïs, ou patron de barque.

— Puisque tu as à choisir entre ces gens et nous, lui dit le chef des Maugrebins, fais donc débarquer ces chiens de chrétiens !

Ma réponse fut vive ; on se rua sur moi, et je fus désarmé. Domingo reçut une égratignure à la main, en parant un coup de sabre qui m’était porté. Mon frère se jeta dans une yole avec le Lazariste et se rendit chez le gouverneur. Nous descendîmes, l’Anglais et moi, dans un autre canot, au milieu des vociférations menaçantes de nos adversaires. Bientôt, nous vîmes l’embarcation du gouverneur armée de dix rameurs qui volait vers nous : mon frère en tenait le gouvernail, Heussein Bey était debout, un pied sur la proue ; en approchant de notre bugalet, le Bey saisit un hauban et d’un bond fut à bord. La troupe de Maugrebins s’ouvrit devant lui.

— Chiens, leur dit-il, où croyez-vous être, pour oser traiter ainsi ces Français ?

— Qui donc interpelles-tu ainsi, fils de maudit ? ― répliqua le chef des pèlerins ; et cette réplique hardie fut soutenue par un murmure de ses compagnons. Le gouverneur répondit par un vigoureux soufflet, et ramenant la main sur son sabre, il se tourna vers cinq ou six de ses soldats, en disant :

— Empoignez cet homme et faites débarquer tous les autres.

Les Maugrebins étaient tous armés ; ils s’entreregardèrent ; mais Heussein Bey s’avança résolûment au milieu d’eux, et, avec cet ascendant que donnent le courage et l’habitude du commandement, il les obligea à descendre dans les embarcations.

Le gouverneur nous emmena à son divan, fit