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Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/150

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DOUZE ANS DE SÉJOUR

tionner et de se départir de son ancienne forme de gouvernement impérial. Les coalisés victorieux mettaient en avant la nécessité de restaurer le vieux droit coutumier, et, à l’instigation de leur principal chef, le Ras ou Polémarque du Tegraïe, ils choisirent pour Atsé un agnat impérial d’une nullité notoire ; et le laissant dans Gondar sans revenus, sans gardes et sans autorité, ils se retirèrent dans leurs provinces, désunis et comme honteux de leur victoire. Quant aux grands vassaux qui avaient combattu avec l’Empereur détrôné, les uns étaient tombés en captivité, les autres, sous la conduite des chefs du Gojam, ayant pu regagner leurs gouvernements, s’y fortifièrent dans l’attente des événements ; les Dedjazmatchs restés neutres suivirent cet exemple, et au printemps, l’Éthiopie se trouva toute hérissée d’hommes en armes. La restauration de l’ancien Empire avec les coutumes servait de mot d’ordre aux coalisés et à leurs adversaires. Mais, aux lueurs des premiers incendies, les masques, tombant, ne laissèrent apparaître que convoitises et ambitions personnelles. Malheureusement, le peuple était en haleine de guerre ; les provinces se ruèrent les unes contre les autres et donnèrent le triste spectacle de partis qui s’entredéchirent au nom de l’ordre et de la justice dont les représentants sincères manquaient partout. Ces partis ne tardèrent pas à se fractionner, à se multiplier, et la guerre civile fut endémique. De localité à localité, les communications devinrent dangereuses ou cessèrent tout-à-fait : le commerce, les échanges journaliers ne se firent plus que les armes à la main ; et pendant que Ras, Dedjazmatchs et chefs à tous les degrés s’alliaient, se trahissaient et se heurtaient