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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

peuvent presque rien cacher de leurs discours ni de leurs actions les plus intimes ; à la pointe du jour, ils reviennent dans l’île pour leurs affaires. Les indigènes évaluent à 1,800 ou 2,000 âmes la population de l’île ; aux époques des arrivées des caravanes, cette population s’accroît souvent de plus de moitié. Le sol nu et calciné réverbère la chaleur et la rend si intense que les indigènes même suspendent les affaires vers le milieu du jour ; les rues sont alors désertes. Comme l’eau des citernes est insuffisante, les gens de Dohono en apportent journellement au moins 2,000 outres, environ 700 hectolitres, mais cette eau est saumâtre et désagréable pour un Européen ; les gens aisés font venir leur provision du village d’Ommokoullo. Dans le bazar, on entend parler la langue indigène ou kacy, l’arabe, l’afar, le bidja, l’amarigna, le tigré, le saho, le galligna, l’hindoustani, le skipitare et le turc, sans compter les langues plus nombreuses encore parlées par les esclaves originaires des divers pays de l’Afrique centrale. Bon nombre des natifs de Moussawa tirent vanité de leur descendance arabe ; leur teint foncé décèle en tout cas une race mélangée ; l’expression astucieuse et vile qu’impriment à leurs traits leurs habitudes efféminées et leurs pensées toujours tendues vers le lucre, dispose peu en leur faveur. Ils ont le corps chétif, épuisé par les chaleurs et l’inconduite. Ils portent des turbans blancs, des caftans de couleurs vives et ordinairement en étoile de coton très-légère ; leurs pieds sont chaussés d’une espèce de sandale particulière à Moussawa ; la plupart jouent avec un chapelet musulman dont les grains servent à leur arithmétique commerciale beaucoup plus qu’à leurs prières ; durant l’été, tous agitent un éventail fait de feuilles de palmier, en forme de guidon. Les femmes, strictement