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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

très-peu de salles spacieuses, la plupart du temps, ces plaids se tiennent en plein air ; l’été, juges et assistants sont ordinairement munis de parasols. Ceux que les incidents judiciaires intéressent moins, vont badauder chez les ouvriers en réputation, où se réunissent quelques nouvellistes, des soldats et des étrangers. Les réunions choisies se tiennent chez l’orfèvre, le sellier et quelquefois chez le forgeron ; la préoccupation de ces ouvriers est de se défendre des importuns, mais ils n’y réussissent guère. L’un a quelque chose à faire à sa bague, à l’ornement de son bouclier, à son amulette, ou bien deux points seulement, dit-il, à sa selle ; l’autre, un ardillon ou une javeline à redresser ou quelque brèche à faire disparaître de son sabre ou de sa faucille ; si l’on veut seulement lui confier un outil, il le fera lui-même. Les ouvriers cèdent à ces instances et perdent ainsi leur temps, sans autre bénéfice que l’espoir de s’achalander par ces complaisances, tout en égayant leur travail des conversations qui s’établissent chez eux. Les hommes les plus considérables ne dédaignent pas de se rendre à ces cercles où se répètent les bons mots, les anecdotes, les scandales, les récits des derniers évènements ; où l’on fait la description des modes nouvelles, l’énumération des qualités et des défauts de tel cheval, de telle femme ; où l’on discute les héros d’amour, ceux de guerre et parfois même des points de théologie, pendant que les plus affamés s’assoupissent sur place ou vont dormir chez eux en attendant l’heure de rompre le jeûne. À mesure que l’ombre s’allonge, on entend les voix plaintives des moines, des lépreux et des étudiants, mendiant de porte en porte au nom du saint du jour, du Remède du monde (Jésus-Christ), de Saint