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CHAPITRE V

LE ROI DU CHAWA. — DABRA TABOR. — LA WAÏZORO MANANN. — LE RAS ALI.


De Moussawa à Gondar, j’avais voyagé plutôt comme géographe que comme ethnologue. Les Éthiopiens me paraissaient barbares, ignorants et peu dignes d’intérêt, si ce n’est par quelques traits de mœurs bibliques qu’ils ont conservés plus qu’aucun autre peuple de l’Orient. Leur langue n’étant point absolument inconnue en Europe, je jugeai qu’il me serait inutile de l’apprendre, un drogman intelligent suffisant à mes rapports avec eux. À Gondar, ces opinions commencèrent à se modifier. Le Lik Atskou parlait l’arabe ; vieilli dans la magistrature, il se plaisait à m’expliquer le train des hommes et des affaires ; mes préventions se dissipaient, mes yeux se dessillaient, et ses compatriotes m’intéressaient chaque jour davantage. Sentant que je m’étais mépris sur leur compte, je dédaignai moins de me rapprocher d’eux en me conformant à leurs habitudes. Mes habits européens s’usaient à vue d’œil ; je me décidai à revêtir une toge, et quoique je fusse loin de savoir me draper dans ce vêtement, de tous peut-être le plus difficile à porter, je m’aperçus qu’il me