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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

fond, mus par leur impatience d’être fixés relativement aux bruits contradictoires qui circulaient dans les provinces. On pressentait une campagne prochaine, soit contre le Dedjadj Oubié ou contre le turbulent Ali Farès, du Lasta, soit en Gojam contre le Dedjadj Guoscho ; et l’on attendait de jour en jour que, selon l’usage, le Ras manifestât sa volonté par la publication d’un ban. Les maisons ne suffisant plus, plusieurs chefs campaient sous la tente. Ces circonstances procurèrent au Lik Atskou le plaisir de revoir de nombreux amis qu’il n’espérait plus rencontrer. Sa verve rajeunie ne tarissait plus, et il semblait qu’après l’humiliation essuyée publiquement à la porte du Ras, il fût bien aise de m’avoir pour témoin des égards respectueux dont il était l’objet. Matin et soir, nous étions invités au repas de la Waïzoro Manann, toujours éprise de la conversation de mon spirituel introducteur ; de plus, on nous portait de chez elle un ordinaire pour nous et nos gens ; j’en recevais un également de chez le Ras, ce qui nous mettait dans l’abondance. Nous passâmes huit jours à cette cour ; je revis plusieurs fois le Ras ; il m’engagea de nouveau à rester auprès de lui, et, malgré le soin que je pris de lui en témoigner ma gratitude, il me parut devenir réservé avec moi. Toutefois, en me congédiant, il me dit que sa protection me suivrait dans toute l’étendue de ses États.

Nous reprîmes la route de Gondar. Le deuxième jour, après avoir cheminé la matinée, nous nous reposions à l’ombre d’un arbre lorsque le Lik, qui saluait et questionnait tous les passants, apprit que le Dedjadj Guoscho traversait l’Abbaïe, et que son avant-garde campait déjà près de la rivière Gou-