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DOUZE ANS DE SÉJOUR

— Sois le bienvenu chez moi, me dit le Dedjazmatch. On assure que les hommes de vos pays sont curieux de visiter les contrées étrangères ; mais quelle que soit votre curiosité, elle ne saurait surpasser celle que nous éprouvons en voyant chez nous pour la première fois un enfant de cette Jérusalem, où Notre-Seigneur Jésus-Christ a touché terre. Aussi, tu excuseras l’impatiente curiosité de mes soldats, qui n’a rien de malveillant pour toi. Lorsque ce printemps, tu nous as refusé de venir en Gojam, ton refus nous eût été pénible, si nous t’eussions connu comme aujourd’hui ; c’est donc avec plaisir que nous t’accueillons, rendant grâces à Dieu d’avoir changé le cours de tes projets.

Je crus devoir expliquer au Prince ce qui m’avait empêché de me rendre à sa première invitation.

— Notre ami, le Lik Atskou, nous a appris qu’effectivement tu es préoccupé du départ de la caravane pour l’Innarya.

Il se fit ensuite un silence de plusieurs minutes, un de ces silences durant lesquels il semble que les sympathies ou les répugnances éclosent, se mesurent et s’échangent.

Le Prince fit mander les deux principaux dignitaires de son armée, et nous passâmes dans la grande tente, où il s’installa sur un alga élevé recouvert d’un tapis turc.

Le Dedjadj Guoscho, âgé d’environ cinquante ans, était grand et de belle prestance, gros sans obésité ; mais la partie inférieure de son corps paraissait grêle par rapport à son buste puissant. Il avait les attaches fines et la main d’une élégance féminine, le teint brun cuivré, la tête volumineuse, gracieusement posée sur un cou long et d’une beauté de contour rare chez un