Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

mes villages pour aller en Chawa. J’en ai vu aussi en Bégamdir : des ouvriers en métaux, disait-on, ou des vendeurs d’orviétan ; et il m’a semblé que je ne pouvais avoir rien de commun avec eux. Depuis que je te vois, quelque chose me dit que nous sommes gens à nous convenir. Avant de donner l’ivresse, l’hydromel n’exhale-t-il pas son bouquet ? Mais on dit que tu ne bois jamais ! N’importe, peut-être deviendrons-nous frères ; en attendant, je t’offre mon amitié ; donne-moi la tienne. Par la mort de Guoscho ! ne me prends pas pour un compagnon ordinaire ; je suis bon à tout, moi. Tu trouveras peut-être que je vais vite en besogne, mais demande à Monseigneur, comme au premier venu ; tout le monde te dira que le cœur et le cheval d’Ymer sont toujours prêts à partir de pied ferme.

Le Dedjazmatch paraissait très-satisfait de voir son général favori me faire ces avances. J’y répondis comme je pus et je me retirai enchanté de cette première visite.

Les allures mâles et polies de mes hôtes, leur attachement réciproque et leur charme particulier, charme que confèrent aux hommes bien doués les péripéties de la vie militaire, tout en eux m’avait frappé au point, que je me disais qu’on vivrait avec plaisir dans leur compagnie.

Le lendemain et le jour suivant, le Dedjazmatch convia à sa table ses principaux chefs, afin de me présenter à eux. La foule continuait à stationner tout le jour autour de ma tente ; des huissiers défendaient ma porte, et lorsque je sortais, ils me précédaient pour éloigner les curieux. Un matin, le Dedjazmatch m’entretint de la maladie de son fils aîné, le Lidj Dori, resté en Gojam.

Je répondis que je n’étais pas médecin ; qu’on attri-