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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

que ces messieurs nous feraient prévenir en cas d’un nouveau danger, et nous nous retirâmes.

Le surlendemain matin, deux soldats entrèrent chez nous et nous firent comprendre que nous étions mandés sur la place au nom du Dedjadj Oubié ; mais comme le Prince s’y faisait représenter par l’abbé d’une église d’Adwa, je refusai de m’y rendre. Je fis observer toutefois au Père Sapeto que sa position différait de la mienne : j’étais un simple voyageur, tandis que lui était le représentant d’une religion qu’il cherchait à propager : que ce caractère le mettait au-dessus de mes susceptibilités, et que, dût-il séparer sa cause de la mienne, le mobile élevé qui l’animait devait l’engager à le faire sans hésiter. Je lui conseillai d’éviter de dire qu’il était prêtre et surtout de ne point toucher aux points qui séparent l’Église d’Éthiopie de celle de Rome.

L’alaka ou abbé, avec tout son clergé, siégeait sur la place du marché, au milieu d’environ 600 soldats du Prince. Il était chargé de décider de l’expulsion des Européens dont les croyances religieuses lui paraîtraient porter atteinte à celles du pays. L’interrogatoire du Père Sapeto eut lieu au moyen d’un drogman arabe ; et, par une coïncidence heureuse, les réponses que je lui avais conseillées s’adaptèrent aux questions qu’on lui fit. En terminant, on lui demanda le nom de son compagnon.

— Il se nomme Michaël.

— Et toi ?

— Youssef.

— Deux noms de bon augure, dit l’abbé : ces noms seuls prouvent que vous appartenez à une autre race que celle des Européens qui sont en ville, et dont les noms sont anti-chrétiens comme leurs croyances et