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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

te les envoie toutes les trois, afin qu’au jour tu puisses prendre pour toi la plus belle.

Je fis mettre les trois peaux l’une sur l’autre, et je m’endormis dessus. Le matin, j’allai remercier le Dedjazmatch, qui se mit à rire en apprenant quel usage j’avais fait de son présent.

— Vous devez être bien braves dans votre pays, me dit-il, puisque vous faites litière de ce qui est la décoration de nos plus vaillants ; mais puisque les trois peaux de lion sont entrées chez toi, le mieux est que tu les gardes, ne fût-ce que pour t’épargner l’embarras du choix.

Et faisant allusion à l’indiscrétion de son clerc, il ajouta avec bienveillance :

— Ne trouve pas mauvais que le clerc m’ait appris ce que tu désirais avoir. Tant que tu seras avec moi, les oiseaux du ciel m’apprendront les souhaits que tu feras le jour, et la nuit les esprits me révéleront ceux que tu feras en rêve.

Je retrouvai auprès de lui le Blata-Filfilo et Ymer-Sahalou, auxquels il m’avait présenté lors de ma première visite à son camp. Le premier était toujours grave, digne et d’une humeur doucement narquoise ; l’autre, joyeux et pétulant en paroles comme en gestes. Tous deux recherchèrent mon amitié. Ymer-Sahalou s’exaltant disait au Prince :

— Que Monseigneur assure à Mikaël[1] qu’Ymer est ici pour lui complaire. Je lui offre à prendre dans tout ce que j’ai ; qu’il choisisse, et par Notre-Dame, ce qu’il me laissera aura pour moi un nouveau prix !

— Holà ! mon gendre, disait Filfilo, avant de

  1. C’était de mes noms celui que j’avais pris, comme étant familier aux Éthiopiens.