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DOUZE ANS DE SÉJOUR

griefs imaginaires, et le prince décida l’expulsion des Européens. Quelque despotique que soit un pouvoir, il tient à l’approbation de ses subordonnés, et, si elle lui échappe, il fait tout pour en avoir au moins l’apparence. Le prince et les courtisans firent valoir que les principes de la religion protestante étaient subversifs de la foi nationale ; l’esprit public s’émut alors, appuya les imputations les plus absurdes, et les mesures rigoureuses reçurent la sanction de tous.

Les habitants d’Adwa nous regardaient d’assez bon œil, mais j’étais inquiet de ne pouvoir être admis chez le Dedjadj Oubié. Mes démarches aboutirent enfin. Je me procurai un drogman parlant arabe et amarigna, et je me rendis au camp.

Comblé de présents par les Allemands, le prince n’avait rien à attendre de voyageurs sans bagages et pauvres en apparence ; néanmoins, par l’effet d’un caprice peut-être, il me reçut poliment, et me demanda ce que je venais faire dans son pays.

— Je viens, dis-je, respirer l’air de vos montagnes, boire l’eau de vos sources et chercher à contracter des amitiés parmi vous.

— Et que viennent faire tes compagnons, celui resté à Adwa et ceux que tu as laissés à Moussawa ?

— Un de nos compagnons, lui dis-je, m’a quitté à Halaïe pour s’en retourner au-delà de la mer ; mon frère étudie les airs, les eaux, et les étoiles ; il est à Moussawa avec un domestique français et tous nos bagages, attendant votre agrément pour entrer dans votre pays ; quant à mon compagnon d’Adwa, il est venu comme moi pour fraterniser avec vos sujets. Si vous le trouvez bon, je vais retourner à Moussawa pour annoncer à mon frère votre accueil bienveillant, et l’amener devant vous.