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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

sont la providence, et auxquelles ils apportent une abondance proverbiale depuis l’origine des siècles.

Avant la pointe du jour, Ymer-Sahalou, notre chef d’avant-garde, partit avec 2,000 hommes environ pour éclairer notre marche. Au soleil levant, l’armée le suivit, et, après avoir gravi pendant plus de quatre heures des sentiers tortueux et difficiles, le Prince, entouré d’un grand nombre de chefs, atteignit un dernier ressaut spacieux et richement cultivé, qui soutenait l’assise supérieure ou deuga du Liben. Là nous attendait Ymer-Sahalou, avec plusieurs milliers d’hommes, qui, dans l’espoir du pillage, s’étaient mis en marche de nuit. Les troupes affluèrent rapidement. Le Prince les réunit par masses, et, se plaçant derrière avec les timbaliers et quelques-uns de ses principaux seigneurs, il désigna une petite arrière-garde pour la protection des bagages encore engagés dans la montée. Les timbaliers battirent la marche, et l’armée, trompettes sonnantes, s’ébranla au pas gymnastique ; prairies, cultures, jeunes arbres, broussailles, clôtures, tout fut foulé, brisé, nivelé sous nos pas. Le Dedjazmatch et ses seigneurs s’accordèrent à évaluer à plus de 30,000 les fantassins rondeliers, les fusiliers à 1,900, et les cavaliers à près de 5,000. Mais les Éthiopiens sont peu exacts dans leurs évaluations, lorsque le nombre de leurs troupes dépasse une dizaine de mille hommes. Ils tiennent un compte plus rigoureux des fusiliers, parce que le nombre en est toujours restreint, et que les armes à feu constituent, outre la force, la principale richesse mobilière des Polémarques. Il m’était fort difficile de contrôler leur évaluation. Les masses irrégulières que nous avions sous les yeux se déformaient d’un moment à l’autre ; on ne pouvait distinguer des files, et il n’y avait ni