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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

facilement ; ils font moins de cas de la vie des vaincus, mais sont moins implacables que les autres soldats ; ils sont les meilleurs escarmoucheurs, mais ils désertent plus volontiers ; on les entraîne plus facilement au combat, mais ils y persistent moins et passent sans transition de l’obéissance à la licence. Leur courage a plus d’éclat, mais moins de fond. Néanmoins, comme la plupart des guerres en Éthiopie sont injustes, les chefs préfèrent ces engagés, parce qu’ils se prêtent avec plus d’entrain à toutes leurs entreprises.

Comme on vient de le voir, les manœuvres sur le champ de bataille sont tout à fait élémentaires ; elles sont produites par la coordination spontanée des volontés individuelles, et cette espèce d’opinion publique, expression électrique du jugement des combattants, s’est développée d’une façon surprenante. Les Éthiopiens prétendent que ce développement est des plus utiles ; qu’il habitue les citoyens à coordonner promptement leurs volontés et à intimider ainsi toutes les tyrannies ; ils ajoutent que sous toutes les faces la vie est un combat, et qu’il faut habituer chacun à être constamment sur le qui-vive ; aussi, disent-ils que le citoyen n’est complet, que lorsqu’il a fait quelques campagnes. À voir la facilité avec laquelle chefs et soldats obéissent aux impulsions collectives, on serait porté à croire que les hommes, si jaloux de leur liberté, le deviennent davantage en face de pouvoirs nettement définis, tant ils mettent de zèle à obéir aux pouvoirs impersonnels, tels que les mœurs ou l’opinion publique, et même les caprices de la mode.

Peu avant mon arrivée dans le pays, le Dedjadj Conefo, ayant fait, dans sa campagne contre les