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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

camp ; aussi l’armée se montrait-elle impatiente de prendre ses quartiers d’hiver. Nous campâmes en Kouttaïe ; les chefs de ce pays avaient reçu, dès l’ouverture de la campagne, l’aman du Prince, et les habitants vinrent nous vendre des chevaux, des ânes, du grain, des toges, du beurre, du miel et des poules.

Conformément à ce que le Prince m’avait dit à Dambatcha, je lui demandai à hiverner chez ces Gallas. Il ne voulut pas en entendre parler ; tout ce que je pus obtenir fut de profiter des quelques jours que nous avions à rester dans le pays, pour m’installer chez un notable du district que nous occupions.

Le peu de temps que je passai à un foyer galla accrut mes sympathies pour ce peuple libre, simple et attrayant, ainsi que mon désir de le visiter plus à loisir. L’armée, inquiète relativement à la crue de l’Abbaïe, accueillit mon retour avec de grandes démonstrations de joie. La plupart des soldats me tenaient pour un conjurateur d’une puissance d’autant plus exceptionnelle que je venais de loin, et ma curiosité de visiter les Gallas n’ayant pas paru expliquer suffisamment mon absence du camp, ils avaient conclu que j’étais allé jeter dans le fleuve quelque charme théurgique.

Après m’avoir plaisanté toute la soirée sur le rôle qu’on m’attribuait, le Prince me dit :

— En tout cas, te voilà adopté par mes soldats ; tu es devenu pour eux nécessaire à leurs succès, comme tu l’es à notre maison.

L’armée salua de hourras le ban réglant l’ordre de marche pour le lendemain. Le Dedjazmatch prit en personne le commandement de l’arrière-garde, composée de six à sept cents hommes. À moitié chemin de l’Abbaïe, voulant donner à de nombreux traînards le temps de rejoindre, il mit pied à terre