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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Je me rendis le lendemain au camp d’Oubié, et je fus introduit presque immédiatement. Je trouvai le prince assis sur un tapis à terre, au milieu de femmes qui lui tressaient les cheveux. Il parut prendre intérêt au récit de mon évasion de Maïe-Ouraïe et me dit qu’il me savait beaucoup de gré d’avoir mis mon espérance en lui. Il me fit apporter à déjeuner et, honneur qu’il n’accordait à personne, il me servit de ses propres mains.

Avant de me donner mon congé, il fit soulever la portière d’entrée, m’indiqua deux hommes à cheval sur la place et me dit :

— Voilà les messagers que j’envoie au Dedjadj Kassa, pour le prier de faire escorter ta caravane jusqu’à ma frontière.

Je lui demandai la permission d’aller annoncer moi-même cette bonne nouvelle à mon frère, et présumant que ce dernier trouverait difficilement des porteurs, j’en engageai une trentaine en rentrant à Adwa, et sur-le-champ je partis avec eux pour Maïe-Ouraïe.

De son côté, mon frère avait travaillé aussi à sa délivrance : il avait fait offrir dix talari à Gabraïe, qui les accepta, tout en persistant à réclamer les deux fusils et le complément de la somme dont il prétendait nous imposer. Mon frère imagina alors d’ébranler l’obéissance qu’on avait eue jusque-là pour les ordres de Gabraïe, en faisant naître chez les paysans la crainte de déplaire au Dedjadj Kassa lui-même : il leur représenta qu’en l’empêchant de se rendre auprès de leur suzerain, ils le privaient d’un de nos trois beaux fusils de rempart que nous lui destinions. Les paysans, après délibération, le laissèrent partir sous bonne escorte. Enchanté du fusil