Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
392
DOUZE ANS DE SÉJOUR

la Waïzoro Oubdar en campagne. Il la faisait précéder par ses timbaliers, son parasol et son gonfanon, ses fusiliers et ses porte-glaives, contraignait ses seigneurs et cavaliers de marque à former son escorte, et ses bandes de rondeliers d’élite à la suivre, centeniers et joueurs de flûte en tête. Le Ras lui-même ne marchait pas avec tant d’apparat. Quant à lui, accompagné seulement de quelques cavaliers, il allait se confondre dans l’escorte de sa belle-mère, afin, disait-il, d’être plus à portée de ses ordres. Si épris qu’il pût être de la Waïzoro Oubdar, les sentiments qu’il affichait étaient tellement ridicules par leur exagération, que ses beaux-frères, les seigneurs et même les soldats en faisaient des gorges chaudes ; seule, la Waïzoro Manann, insensible aux quolibets, trouvait naturelle la conduite de son gendre, qu’elle affectionnait d’autant plus et défendait en toute occasion. Fort de cet appui, il était d’une arrogance insoutenable envers les grands vassaux. L’un d’eux, le Dedjadj Wollé, proche parent du Ras, ayant fait une allusion railleuse à sa naissance équivoque, il en résulta une altercation des plus vives. Les soldats épousèrent naturellement la querelle de leurs maîtres, et deux bandes se rencontrant un jour de marche, passèrent bientôt des injures aux coups de sabre ; le vertige se communiqua comme par une traînée de poudre, et 12 à 14,000 hommes des deux partis se trouvèrent aux prises le long de la ligne de marche. Le Ras envoya des bandes pour étouffer le combat : elles furent culbutées et en partie dépouillées ; puis on se battit jusqu’aux approches de la nuit. Birro Aligaz, prévenu par ses espions, accourut avec sa cavalerie, mais un peu trop tard pour profiter de ce désordre qui eût pu occasionner la perte du Ras. Le nombre