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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

lottant, allaient se poster à l’arrière-ligne, rappelant ainsi les habitudes des enfants de la Grèce ancienne.

Certains rondeliers, d’une intrépidité reconnue, se rendaient à leur poste, en se carrant et en brandissant leur javeline ; d’autres s’en allaient, chacun roulant un air guerrier qu’il interrompait pour s’écrier :

« Hammarr zorroff ! Ô moi, fils de gentille mère ! Voici enfin l’heure des vrais lurons, ma seigneurie, à moi, porte haillons ! »

Ou bien :

« Zorroff ! Ne suis-je pas l’épervier des batailles ? venez, venez, mes vautours, vous n’attendrez pas, je vais vous faire de la nourriture. »

Ils ne reconnaissaient personne, ils n’entendaient plus, ils savouraient déjà l’ivresse de la bataille. On frissonnait de plaisir en les voyant, comme aussi lorsque passaient les Tacho-Negoussé, les Chalaka Beutto, et Gouangoul-Abrouïé, Gouomté-Kassa, Hallé-Aleltou, Beutoul-Andawa, Haïlou-Mariam, Chalaka Guebré-Mikaël, Birro Guébia, Andawa-Libo, Tacho-Méniwabe, Gouxa Faradé et le sanguinaire Gouolemdatch, tous cavaliers célèbres, redoutés au loin ; les uns muets, livides et sinistres sur leur selle ; les autres ricanant et mâchonnant leur thème de guerre. Tous avaient le brassard d’honneur au poignet droit ; quelques-uns portaient une pèlerine de guerre faite en crinière de lion ; d’autres s’en allaient les épaules et la poitrine nues. Les chevaux dénotaient la résolution des maîtres. Les poétesses proclamaient ces rudes hommes, les interpellaient et accolaient à leur épithète de tendresse familière :

« Ô ma prunelle, disait l’une, je veux mourir