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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

bya de telle sorte qu’il pouvait désormais se suffire à lui-même ; et les soldats poussèrent des cris de joie en apprenant qu’ils allaient rentrer en Damote. L’avant-veille de la levée du camp, j’envoyai prévenir mes amis et les principaux chefs de mon départ pour le lendemain matin, et je m’excusai sur ce que l’heure avancée et la brièveté du temps m’empêchaient de leur faire mes adieux en personne. Tous manifestèrent de l’étonnement ; l’un d’eux était à boire, et il s’écria en entendant mon message : « Venu de si loin pour me servir de frère et me laisser de la sorte, là subitement, comme la mort ! » Et il brisa contre terre son burilé d’hydromel et se couvrit la tête de sa toge.

Le lendemain, le Dedjazmatch me reçut de très-grand matin, et sans témoin ; il me donna des conseils relatifs à mon voyage et me demanda si je désirais quelque chose qui fût en son pouvoir. Au sortir de là, je trouvai un grand nombre de notables réunis devant ma tente ; ils me firent asseoir au milieu d’eux et restèrent quelques minutes silencieux, la figure couverte de la toge jusqu’aux yeux.

— Ô fils de ma mère, me dit enfin le plus âgé, c’est une mauvaise nouvelle qui nous réunit ici ; il eût mieux valu peut-être ne pas nous connaître. On parlait, il est vrai, de ton voyage, mais nous pensions que la force de vouloir te manquerait au dernier moment. Nous ne te dirons rien, du reste, que Monseigneur ne t’ait sans doute dit. Nous venons pour te faire la conduite, et te souhaiter de trouver où tu vas des amis comme nous. C’est bien pour ce matin, n’est-ce pas ? Eh bien ! nous allons nous ceindre et monter à cheval.

On vint me prévenir que les membres du conseil