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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

à Dabra-Tabor pour reprendre la Waïzoro Oubdar et s’entendre avec lui sur un plan de campagne contre Oubié, dont la vassalité nominale le fatiguait, disait-il. Birro, averti par des familiers du Ras, demandait encore quelques jours de délai, afin d’en finir avec les rebelles du Dambya, à la réduction desquels il procédait en effet, mais avec des ménagements calculés ; et, d’intelligence avec la Waïzoro Manann, il suppliait qu’en attendant on lui envoyât sa jeune femme. Le Ras lui envoyait des cadeaux, et il les lui rendait avec usure ; et, afin d’entretenir le dévouement de ses soldats, il fermait les yeux sur leur licence, leur donnait festins sur festins, pendant lesquels il dictait à ses trouvères des bouts-rimés relatifs à sa prochaine entrée en campagne contre Oubié, l’ennemi cauteleux de son gracieux suzerain le Ras Ali. De son côté, le Ras faisait chanter par ses poëtes des vers à la louange de Birro, son plus fidèle vassal, son beau-frère, le mari d’Oubdar, sa sœur de prédilection.

La Waïzoro Manann, tiraillée par son attachement pour son fils, par son faible pour son gendre et par son amour pour sa fille, n’osait agir, dans la crainte de précipiter la catastrophe qu’elle cherchait à conjurer. Birro achevait de la désespérer en lui faisant dire qu’il se mourait d’amour pour sa fille, qu’il désirait ne point altérer ce sentiment, mais qu’il ne pouvait plus vivre de la sorte et qu’il ne lui restait plus qu’elle pour sauver son bonheur domestique.

Prétextant le voisinage de rebelles, il tenait ses troupes agglomérées et échelonnait des vedettes déguisées depuis Furka-Beur (col qui donnait accès à son pays du côté du Bégamdir) jusqu’à son camp. Nuit et jour, ces sentinelles étaient prêtes à donner