Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

du sol introduisaient dans ce travail des incertitudes dont les voyageurs feraient bien de se préoccuper davantage. Mon frère, reconnaissant d’ailleurs l’insuffisance de ses instruments, conçut l’idée de jeter les fondements d’une carte exacte du pays par la méthode qu’il appelle Géodésie expéditive, et il résolut de retourner en France pour se procurer des instruments qui n’avaient été jusque-là employés d’une manière continue par aucun voyageur en pays inconnus. On sait, en effet, que la plupart des cartes de ces pays sont rédigées tant bien que mal au moyen de journées de route, malaisées à bien estimer et corrigées, le plus souvent au hasard, par des observations astronomiques trop rares et qu’il est impossible de contrôler. D’autre part, des marchands d’esclaves venus de l’Afrique centrale nous ayant assuré qu’en Innarya coulait un fleuve large comme le fleuve Bleu et dont les eaux se déversaient dans le bassin de l’Égypte, il fut convenu que durant l’absence de mon frère, j’irais au moins jusqu’à Saka, capitale de l’Innarya ; et pour mieux utiliser mon voyage, je m’exerçai sous sa direction à faire les observations d’astronomie nécessaires pour déterminer la position d’un lieu, ainsi que les observations météorologiques à continuer jusqu’à son retour. Nous étions au mois de juin ; on entrait dans la saison des pluies hivernales ; les chemins sont alors impraticables, les lits desséchés des ruisseaux, des torrents et des rivières s’emplissent et deviennent souvent autant d’obstacles dangereux ; d’ailleurs, le Takkazé, qui sépare le pays de Tigraïe de celui de l’Amhara est infranchissable pendant sa crue, qui dure depuis le milieu du mois de Sénié, correspondant aux derniers jours de notre mois de juin, jusqu’au milieu