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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

mari, dut suivre elle-même un procès en Cour suprême ; et les pages impériaux, frappés de la beauté de l’enfant, en parlèrent devant l’Empereur comme d’une merveille. La mère obtint justice, et l’Empereur retint l’enfant, qu’il confia à ses femmes et qu’on surnomma Mentewab (Que tu es jolie !), nom que les pages lui avaient donné en la voyant. Elle grandit dans le palais, oubliée durant quatre années. Un soir à souper, un des familiers parla d’elle, et l’Empereur désira la voir ; mais il s’endormit sans y plus penser, et s’étant réveillé avant le jour, il aperçut debout, au pied de sa couche, la belle et gracieuse Mentewab, qui seule veillait sur lui, un flambeau de cire à la main.

Mentewab, devenue Itiégué (Impératrice), confirma sa haute position par la sagesse et la retenue de sa conduite, ne cessant de protester par son exemple au moins contre les vices de la cour de son mari et de celle de son fils, qui succéda à son père sous le nom de Yassous. Elle savait vivre le jour en princesse et la nuit, dit-on, elle se soumettait aux plus dures austérités de la pénitence. Durant quarante années elle exerça par son mari, son fils et sa famille une puissance souveraine, suffisamment interrompue par des vicissitudes pour rendre manifestes la force et la bonté de son caractère. En tout pays, on voit de ces êtres que la fortune semble se complaire à élever, à abaisser et à retourner dans sa main, comme des joyaux dont elle veut faire briller toutes les faces.

C’était la première fois que Birro visitait l’église et l’habitation de son aïeule. Le clergé n’avait pas eu le temps de s’y réunir, mais un vieux religieux que nous trouvâmes à la porterie nous servit de cicerone. Birro devint mélancolique en voyant le domaine dé-