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DOUZE ANS DE SÉJOUR

ordonna de balayer les traînards hors de la ville haute et donna lui-même l’exemple du départ pour le camp. Avant mon arrivée sur la place du marché, il avait déjà tué un autre de ses soldats, qui, les mains pleines, sortait d’une maison.

Birro avait défendu à ses gens de descendre dans le quartier musulman, et en sévissant comme il venait de le faire d’une façon si conforme à la fougue de son caractère, il ravivait cette terreur qu’il aimait à inspirer, et il affichait du même coup sa déférence pour les intentions de son suzerain Ali, qui protégeait les musulmans de Gondar d’une façon spéciale. Nous sortions à peine du Salamgué, qu’un musulman, traînant après lui un jeune soldat, arrêta le Prince par ses cris.

— Parle donc, lui dit Birro.

Le musulman accusa le soldat d’avoir pillé sa maison de fond en comble et d’avoir maltraité sa femme.

— Holà ! qu’on lui coupe pieds et mains, dit Birro.

— Par Allah ! mon Seigneur, dit le plaignant, que ferais-je de ses membres ? Qu’il les garde pour s’en aller le plus loin possible, mais qu’il me rende ce qu’il m’a pris.

Le soldat terrifié protesta par serment qu’il n’avait pris qu’une vieille ceinture, et qu’encore, un de ses camarades la lui avait enlevée sur le champ ; il offrait d’ailleurs de donner celle qu’il portait. Birro lui dit en se remettant en marche :

— Roncin que tu es ! s’il en est ainsi, que ne lui frottes-tu les oreilles à ce mécréant ?

Et il laissa le musulman composer comme il put avec le soldat.