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DOUZE ANS DE SÉJOUR

de son inobservance. Pose ta main sur ma cuisse, et engage-toi, par la mort de Monseigneur Guoscho et par la mienne, à revenir auprès de moi ou de mon père, sauf la volonté contraire de Dieu.

Je promis.

— Et si tes projets venaient à changer, ajouta-t-il, dis que le pain se tourne pour toi en venin et te corrode les entrailles, et que tout ce que tes lèvres pourront boire ne serve qu’à enflammer ta soif ; dis que les hommes n’éprouvent pour toi que de la haine ; dis que les désirs que tu formeras s’accomplissent pour d’autres et sous tes yeux ; dis que ton passage sur la terre, comme dans le cœur de ceux que tu aimes, ne laisse pas plus de trace que n’en laisse le serpent maudit qui rampe sur un rocher nu !

Je répétai ces paroles après lui.

— Quant à moi, mon frère, reprit-il, dicte-moi le serment que tu voudras.

Comme je refusais :

— Si je trahis le premier notre amitié, dit-il, que mes chairs se déchirent et flottent en lambeaux le long de mes ossements, avant que mon âme ait quitté la terre ; que tous ceux en qui je me confie se tournent contre moi et m’imputent ma confiance à crime ; que mon cheval, mes armes et jusqu’à l’herbe des champs, que tout se dresse contre moi ; que Dieu fasse un exemple hideux de mon corps sur la terre et de mon âme dans l’éternité ! Maintenant, mon frère, dit-il en fermant les yeux, clos mes paupières de ta main, avec la pensée que c’est la mort qui me les scelle, si tu trahis ton serment.

Je lui obéis. Et à son tour, il me ferma les yeux de sa main, en disant :