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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

de la bière, des volailles cuites et d’autres mets, ainsi que des pains à profusion ; rien n’y manquait, jusqu’à du bois pour notre loyer, même un luminaire. J’invitai les anciens et leur chef à rompre le pain avec nous, pour mieux sceller notre raccommodement ; ils participèrent discrètement à notre médianoche et se retirèrent bientôt pour me laisser dormir. Sous prétexte de se tenir sur leurs gardes, mes gens mangèrent et burent presque toute la nuit. Le lendemain, de grand matin, plusieurs habitants nous firent la conduite.

De pareils incidents sont habituels dans la vie militaire en Éthiopie. Les gens de guerre ont droit à l’hospitalité, surtout dans les villages relevant de leur suzerain. Chaque village se règle en conséquence ; mais l’insolence trop fréquente des soldats et la susceptibilité souvent querelleuse des habitants provoquent des collisions qui, heureusement, amènent rarement mort d’homme, ce qui s’explique par l’usage de l’arme blanche seulement, dont on peut modérer l’emploi : soldats et paysans s’entre-battent d’une façon mi-courtoise. Après s’être ainsi éprouvé, on se sépare, on compte de part et d’autre les horions et les égratignures, on fait la balance, on fixe le taux de la composition en faveur des plus maltraités, et la bonne amitié s’établit. Quelquefois une blessure dangereuse ou mortelle envenime ces combats, qui vont alors se terminer en cour de justice.

Neuf jours après mon départ de Gondar, j’arrivai à Adwa. Le Dedjadj Oubié campait provisoirement à quelques kilomètres de la ville ; je pris deux jours de repos et j’allai lui faire ma visite d’usage. Le Prince déjeunait en petit comité ; je fus placé à côté d’un abbé, un de ses commensaux et conseillers favoris, avec qui je m’étais lié à mon premier passage en