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Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/526

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DOUZE ANS DE SÉJOUR

cieux et raide sur sa mule. Il était précédé de ses timbaliers et d’une soixantaine de porte-glaives, et suivi de trois ou quatre cents notables portant tous le bouclier au bras ; des huissiers à cheval maintenaient un espace vide autour de lui. En me voyant, il daigna hocher légèrement la tête en murmurant un bonjour qu’un huissier répéta à haute voix ; il se retourna même par deux fois et me fit dire de remettre mon bouclier à mon servant-d’armes. Je le laissai passer et je me joignis à ses notables. Quelques minutes après, un fusilier me dit : — Tu as là un beau cheval. Que ne le fais-tu parader en tête de la colonne ? Cela ferait plaisir au Dedjazmatch.

Peu soucieux de me donner en spectacle, je répondis que mon cheval était encore fatigué de son voyage de Gondar.

— Et quand tu lui donnerais la fourbure, reprit-il, tu crois que Monseigneur n’a pas de quoi te dédommager ?

Cet homme ne me dit pas qu’il était envoyé par Oubié, et je venais sans le savoir d’indisposer le Dedjazmatch.

En arrivant à l’étape, le Dedjazmatch me fit inviter à son repas, ainsi qu’un botaniste européen, venu comme moi d’Adwa pour lui faire escorte. La réunion était nombreuse, et tout se passa dans le plus profond silence. L’usage est qu’après le repas, les convives qui restent debout et, parmi les convives assis, ceux qui sont de condition inférieure se retirent d’abord ; les plus considérés pour leur rang ou pour leur âge se retirent les derniers ; et on laisse au tact de chacun le soin de régler sa sortie. Les grâces étaient à peine achevées, qu’un huissier s’avançant, la verge haute, dit à mon compagnon :

— Lève-toi et va t’en.