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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

rie d’observations météorologiques et des hauteurs de soleil, la lecture et quelques consultations médicales faisaient passer rapidement mes journées. Ce genre de vie confirma les habitants dans la haute opinion qu’ils s’étaient faite de mes lumières : malgré ma jeunesse, ils me tenaient pour astrologue et médecin savant ; aussi bien, je possédais quelques drogues et une belle trousse d’instruments de chirurgie. Un incident qui eut lieu avant le départ de mon frère aurait dû pourtant leur faire ouvrir les yeux sur mon compte.

Un notable de la ville était venu me supplier de secourir un de ses parents qu’il aimait tendrement, disait-il. Je me rendis auprès du malade ; il avait une descente du rectum, et je déclarai l’excision indispensable. Les parents effrayés me demandèrent l’emploi de moyens plus doux et m’objectèrent que les rebouteurs du pays étaient incapables d’une opération si délicate. Je leur dis qu’il n’y avait pas d’autres remèdes, j’offris d’opérer moi-même et j’envoyai quérir mes instruments. Mon plan était bien simple : produire un étranglement, trancher d’un coup de bistouri, cautériser avec un moxa et laisser la nature faire le reste. Ayant désigné mes aides et mis le sujet en posture, je déployai ma trousse devant l’assistance ; l’aspect de mes instruments et mon aisance impitoyable augmentèrent l’émotion causée par les cris du patient qui se réclamait déjà de tous les saints. Les parents me prièrent de surseoir à l’opération ; ― avant d’en arriver là, ils essaieraient, dirent-ils, d’une neuvaine à Saint Takla Haïmanote. ― Je m’offensai de leur manque de confiance et repliant prestement bagage, je sortis, bien aise au fond d’être affranchi d’une besogne peu agréable. De retour à