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Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/563

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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

que son pouvoir s’étendait désormais depuis Gondar jusqu’à la mer Rouge.

Lorsque peu après nous nous présentâmes devant lui à Maïe-Tahalo, c’était encore pour aller à Gondar. Mon frère revenait d’Europe, et le Dedjazmatch supposait qu’il rapportait la réponse aux messages dont il s’était chargé. Si nous avions été au courant des dispositions du Dedjazmatch contre nous, nous aurions pu peut-être prévenir sa mauvaise humeur, en allant au-devant de sa pensée, et en lui disant que mon frère avait remis les lettres des notables gondariens aux chefs des gouvernements de France et d’Angleterre, lesquels avaient immédiatement arrêté l’agression imminente du vice-roi d’Égypte, mais qu’il n’était porteur d’aucun message en réponse. Nous n’en fîmes même pas mention. Pour toutes ces causes, il est probable que le Dedjazmatch aurait empêché notre second voyage à Gondar ; seulement il l’aurait fait avec des formes moins indignes de son rang, si, par dernière mésaventure, nous ne fussions arrivés à Maïe-Tahalo un matin qu’il avait pris d’un hydromel trop capiteux. Car, quelque peu de sympathie que j’aie pu sentir pour le Dedjadj Oubié, je dois reconnaître qu’il usait presque toujours de formes courtoises.

En me mettant au courant des raisons de ma disgrâce, le bon religieux, qui désirait me voir retourner en Gojam, m’avait conseillé fortement d’accepter la réconciliation qui m’était offerte, en ajoutant que les événements politiques ne manqueraient pas de m’ouvrir une issue vers Gondar. Mais je dus renoncer, jusqu’au jour où je saurais ce qu’était devenu mon frère, à profiter des nouvelles dispositions du Dedjadj Oubié.