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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

croire que nous aurions encore à lutter à Toudjourrah contre l’influence anglaise, mais j’espérais néanmoins que mes relations avec le Polémarque du Chawa nous permettraient d’arriver jusqu’à lui.

Quelques notables des Somaulis sachant que nous allions nous embarquer, vinrent nous féliciter d’abandonner une lutte sans espoir, disaient-ils ; et le 15 janvier 1841, nous mîmes à la voile, laissant derrière nous cette côte aride de Berberah, rendue si inhospitalière par la malveillance d’Européens qui auraient dû être nos protecteurs naturels.

Arrivés à Zeylah, mon frère étant souffrant, j’allai seul chez le chef de cette petite ville ; il me reçut bien, se mit à mes ordres avec cette urbanité trompeuse souvent, mais agréable du moins, qu’on est presque toujours sûr de rencontrer sur les côtes orientales de l’Afrique ; et j’étais à peine rembarqué, qu’il nous envoya en cadeau trois moutons et des mets préparés.

Le lendemain, nous reprîmes la mer ; et le troisième jour, nous glissions doucement à l’entrée de la baie magnifique au fond de laquelle se trouve Toudjourrah.

Je descendis à terre avec le patron de notre barque, et affectant une confiance que nous n’avions pas, nous nous dirigeâmes vers l’habitation du chef de la ville, auquel, par suite de je ne sais quelle tradition, on donne le titre de Sultan.

Toudjourrah est situé tout au bord de la mer, sur une plage sablonneuse et plate ; le terrain, à environ cinq cents mètres du rivage, commence à s’élever en ondulations graduées qui atteignent dans le lointain les proportions de montagnes. La ville est composée d’environ deux cent cinquante maisons éparses, faites de fortes nattes en feuilles de palmier soutenues par des chassis de bois et recouvertes d’un toit de chaume ;