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L’Art de se

Element une sorte de chaleur aspre & cuïsante, pareille à celle que je sens, & qui n’est pourtant point en luy ; & cependant ce qui fait la douleur que je sens, lors que je m’en approche trop, n’est qu’un amas d’aiguilles invisibles qui m’entrent dans la chair : mais c’est qu’il y a un sens qui m’avertit que c’est l’aiguille visible qui cause ma douleur, j’en suis âverti par la veüe ; & qu’ainsi il n’est pas necessaire d’attacher la douleur à cet objet, pour me le faire connoître dans le raport qu’il a avec moy ; au lieu que ces aiguilles penetrantes & subtiles qui font dans le feu, n’estant point apercües par la veüe, je ne sçaurois ni les éviter, ni m’en donner de garde, ni sçavoir ou elles sont, si la nature n’y avoit comme attaché le sentiment douleureux qu’elles me causent.

Il a esté necessaire par la même raison, que la nature attachât l’odeur aux objets odoriserans, bien que cette odeur soit en nous & non pas en eux, puis qu’estant agreable ou facheuse, elle enferme un sentiment de douleur ou de plaisir, lequel sentiment n’existe jamais