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connoître Soy-meme.

Il faut bien que cela soit ainsi ; Car nous voyons que dans la nature, chaque chose se contente des biens qui sont deus à son espece. Les poissons se contentent de l’eau où ils nagent, les oiseaux sont satisfaits de voler dans l’air, les bestes des champs n’ont plus rien à désirer, quand elles ont trouvé l’herbe, qui leur sert de nourriture, & d’où vient donc que l’homme est si peu satisfait des avantages temporels, s’il est vray que ceux-ci doivent faire tout son partage ? Croira-t-on que la sagesse du Createur se soit démentie en ceci précisément ? A-t-elle mal connu, ou la nature des biens du monde incapable de nous satisfaire, ou la nature de nôtre cœur incapable d’en être satisfait ? Ou plûtôt n’est-ce point qu’ayant connu les biens du monde, nôtre cœur & la disproportion naturelle, qui est entre eux, Dieu a formé les choses dans cet ordre, parce qu’il se reservoit nôtre ame, pour la remplir luy même, pour la satisfaire, & pour répondre par son excellence & par la beatitude infinie à l’infinie succession de nos pensées & de