Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/70

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Je touchois au moment où j’aurois pu ſans crime
À mon amour ſeduit immoler ſa victime :
Convaincre mon amant d’une infidelité :
Et par honte ou par crainte abattre ſa fierté.
Helas ! dans ma captive il cachoit Virgilie.
Il veut qu’on la luy rende, il s’emporte, il s’oublie,
Il menace, & toûjours mon amour outragé…


AUFIDE.

Ne vous repentez pas de m’avoir obligé,
Ma ſœur. Voſtre fortune à la mienne eſt égale.
L’Hymen va dans mes bras jetter voſtre rivale :
Et vous verrez bien-toſt Coriolan confus
Briguer voſtre tendreſſe, & craindre vos refus.
Je ne m’abuſe point. J’ay reveu Virgilie :
J’ay peint Rome à ſes yeux dans Rome enſevelie,
Ses maux, les miens, j’ay mis paix & guerre à ſes choix,
Pourveu qu’elle voulut me ſouffrir ſous ſes loix.
Elle m’y ſouffre : enfin mes offres l’ont touchée :
À ſon cruel amant je l’ay preſque arrachée.
Elle ne peut ſouffrir ſon endurciſſement.
J’ay promis : elle attend l’effet de mon ſerment.
Quoyque de quelques Chefs Coriolan diſpoſe,
Vous pouvez tout, ma ſœur, hazardez quelque choſe
Inſpirez aux ſoldats le deſir d’un repos,
Qui leur doit aſſurer le fruit de leurs travaux.


CAMILLE.

Partons. Il n’eſt ſoldat, ny Chef qui ne nous ſuive :
Mais vous tenez-vous ſeur du cœur de ma captive ?
Et ſi de vos progrez Coriolan jaloux
Prenoit pour les Romains des ſentiments plus doux,
Croyez-vous que ce cœur charmé de vos promeſſes,
Ne rallumeroit point ſes premieres tendreſſes ?
Et qu’en ſes premiers fers n’oſant ſe r’engager…