Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/87

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C’eſt par Coriolan que j’ay dû ſauver Rome :
Je l’ay fait. Et c’eſt moy qui fais fuïr ce grand homme.


AUFIDE.

Vous !


VIRGILIE.

J’allois par pitié vous en faire un ſecret,
Si voſtre emportement eut eſté plus diſcret.
Mais exiger de moy qu’à l’inſtant…


AUFIDE.

Infidelle,
Ingrate, c’eſt donc là le prix de tant de zele ?
Quoy, lorsqu’à mon amour égalant mes bien-faits,
Je prefere au triomphe une honteuſe paix :
Lorsqu’à vos intereſts je ſoûmets ma vengeance,
Vous m’abuſez icy d’une vaine eſperance ?
Et juſques dans mes fers vous oſez m’outrager ?


VIRGILIE.

J’y ſuis encor, Seigneur : vous pouvez vous vanger.
Vous avez mille bras pour m’arracher la vie :
Mais vous n’en avez plus pour perdre ma Patrie ;
Et toutes vos rigueurs me donnent peu d’effroy,
Si vous ne pouvez plus eſtre cruel qu’à moy.


AUFIDE.

Ah ! de quelque façon que voſtre orgueil me nõme,
Vous verrez qui ie ſuis ſur les cendres de Rome.
Si contre-elle autrefois mes efforts furent vains,
Je n’avois point alors à punir vos dedains.
Ma valeur par l’amour n’eſtoit point animée.
J’aime : d’un pareil feu Camille eſt enflamée ;
Tous deux à nous vanger nous ſommes engagez.
Craignez pour ennemis deux amans outragez.
Je cours aveuglément où la fureur me guide.
Je reviens : mais non plus incertain & timide