Page:Abel Hugo - Le Conteur.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
L’ÉTOFFE MERVEILLEUSE.

qu’ils savaient fabriquer une étoffe qui exigeait de grands frais, mais dont l’artifice serait tel, que quiconque aurait le malheur d’être né d’une race déshonorée, d’être bâtard ou honni de sa femme, ne pourrait la voir de ses yeux ni la toucher de ses mains.

Le roi se fit un plaisir d’avoir une pareille étoffe ; car les plaisirs des rois sont toujours un peu malins. Il fit donner à mes aventuriers une belle maison, de l’or, de l’argent et de la soie pour travailler. Au bout de deux ou trois jours, l’un vint dire au roi que l’étoffe était commencée, que c’était la plus belle chose du monde, et que, si sa majesté désirait la voir, elle eût la bonté de venir seul.

Le roi, pour s’assurer du fait, envoya son grand chambellan, à qui l’on raconta les merveilleuses propriétés de l’étoffe en la lui montrant ; de sorte que le pauvre chambellan, qui ne voyait rien, n’osa pas en convenir, et revint dire au roi qu’il avait parfaitement vu